NOS FEMININES CONSERVENT LE TROPHEE

 

Pour tout spectateur non britannique, encore que …, ce fut, en ce mercredi après midi sur les gradins du stade  Léo Lagrange, « Au plaisir des yeux » ! Le spectacle offert par les féminines du rugby club de la marine nationale fut véritablement un régal pour les rétines. Les arabesques d’Adeline Carrasquet, les fulgurances de Gladys Doulet, les jaillissements de Khadidja Camara et les lignes droites d’Eva Dourthe tournèrent les têtes des témoins et donnèrent, jusqu’au vertige, le tournis à leurs adversaires.On en oubliait presque la condition de cette fantasia : la domination du pack. Qui ne laissa ni une once d’espoir ni un centimètre d’avantage à son adversaire bousculé dès la première mêlée et incapable de contester une écrasante supériorité sur les ballons portés. Comme à l’accoutumée, les camarades britanniques se sacrifièrent en défense dans l’espoir de retarder autant que possible les cruelles conséquences d’une telle domination. Elles y furent aidées, dans le premier quart de la mi temps initiale, par quelques maladresses, fruits d’une fébrilité insuffisamment maîtrisée par nos marinettes, deux ou trois excès de personnalité et, surtout, par ce « mal français » généralisé à tous les niveaux : le soutien insuffisant au porteur du ballon. Dès que Gladys Goulet, notre numéro 10, eut compris que la clef se trouvait dans un soutien rapproché de la déjà « xième » percée de Khadidja (numéro 12), la route de l’en but britannique s’ouvrit toute grande pour le premier des onze essais français de l’après midi concluant un cadrage-débordement d’école de Gladys sur Sam Alderson, la capitaine et dernier rempart de l’équipe britannique.

Juste le temps pour notre pack de montrer ce qu’il eut pu faire en cas de besoin avec un ballon porté avançant sur vingt mètres pour déposer l’ailière Anna Chabert et le ballon dans l’en but et, au bout de 20 minutes, le terrain appartint dès lors aux chevaux légers tricolores, « casaqués » de rouge pour l’occasion. Quatre essais supplémentaires allaient suivre avant la mi-temps par notre demi de mêlée, Adeline Carrasquet , trouvant rapidement en ce jour une liberté de mouvement qu’elle avait du chaparder au prix de quelques exploits l’an passé, Gladys Doulet par deux fois et Khadidja Camara. Le vent n’était pas en phase avec les options de trajectoires d’Adeline et seules trois transformations complétaient l’ouvrage pour parvenir à un score de 36 points à 0 à la mi-temps.

La seconde partie de la rencontre n’apportait rien de nouveau à la physionomie générale des débats. Adeline, Gladys et Khadidja s’engouffraient allègrement dans les intervalles concédées par une défense de plus en plus surmenée et chacune d’entre elles ajoutait son essai, ponctué ou pas de la transformation d’Adeline, portant la marque à 55 points à 0 à un quart d’heure de la fin. Gladys allait même si vite qu’elle franchissait dans son élan la ligne de ballon mort et se voyait ainsi refuser, justement, ce qui eut été son cinquième essai personnel de l’après midi. Depuis longtemps déjà, nos remplaçantes participaient à la fête et Eva Dourthe, qui revenait dans le groupe, comme trois-quart centre, après deux ans d’absence, montrait de surprenantes capacités à transpercer la défense adverse compte tenu de ces années sans fouler le moindre terrain de rugby. C’est donc sans surprise qu’il lui revint de clôturer le score en pointant pour la onzième fois dans l’en but britannique après que Mélissa Delherbe eut remplacé Anna Chabert et parfaitement exploité les talents de perce-muraille d’Eva pour inscrire le dixième essai.
Avec quatre essais pour Gladys, deux pour Adeline, deux pour Khadidja et un pour Anna, Mélissa et Eva, complétés par les six transformations d’Adeline, le score final s’établit ainsi à 67 points à 0 . Personne n’eut le cœur de séparer Adeline et Gladys pour désigner la « joueuse du match » et elles furent ainsi élues « ex aequo ». Juste récompense pour notre charnière qui, ironie du sort, n’existait pas avant la rencontre et constituait, de l’avis général, le point faible du groupe !
Huitième trophée donc pour les féminines du RCMN. Selon le mot de leur manager, « le trophée Entente Cordiale n’a toujours pas appris à nager ». Gageons que peu d’entre nous soient très pressés de lui voir combler cette lacune ! Cinquième trophée pour notre capitaine Clémence Raphat. Mais la joie s’efface, le plaisir s’évanouit et le cœur se serre. C’est le dernier trophée pour Clémence, c’était aujourd’hui son dernier match de rugby. Après Céline Souvy et Katy « Miko », notre troisième capitaine s’en va vers d’autre horizons. C’est la vie mais, pour le coup, le moment est difficile. Clémence est emblématique de l’aventure du RCMN féminin. Elle était,en 2009, du tout premier match à sept à Cherbourg, elle était, bien sûr, de la première « Entente Cordiale » à Plymouth, de la formidable équipe de 2012 qui reste dans les yeux et les mémoires de tous ceux qui avaient pu l’admirer au stade Jaureguiberry et elle a disputé, à l’exception d’une seule, toutes les rencontres face à la Royal Navy.
Recordwoman de sélections, de capitanats et de victoires face à la Royal Navy, Clémence laisse une marque indélébile dans la jeune histoire du RCMN mais Clémence est surtout un officier exemplaire et une belle personne.
Altruiste avant tout, Clémence n’a jamais rechigné à jouer des partitions rugbystiques qui n’étaient pas les siennes.
Troisième ligne « côté fermé », Clémence a rendu service en occupant, contre les Britanniques, tous les postes du pack, à l’exception de celui de talonneur. Nous lui souhaitons tout le bonheur et toute la chance qu’elle mérite. Et comme il faut toujours un « peu de soleil dans l’eau froide », et un petit clin d’oeil de la vie pour sécher la larme à l’oeil, Eva revient avec nous lorsque Clémence s’en va. Eva, la seule qui reste à avoir partagé avec Clémence le premier « Entente Cordiale » en 2011 à Plymouth et qui était aussi du premier stage de Cherbourg en 2009 durant lequel elle s’était blessée et n’avait pas pu participer à la rencontre à sept inaugurale.
Clémence part ainsi avec tous les records, y compris celui du score le plus important de la série « Entente Cordiale », puisque ce 67-0 surpasse le 60-5 enregistré en 2012 au stade Jaureguiberry. Il n’est pas sur que ce record-là l’ enchante beaucoup et il y a fort à parier que notre capitaine ait largement préféré la bataille plus indécise de l’an passé. Ou même le flamboyant succès de 2012. Car, en dépit du score final, il y eût bien match, et plutôt âpre, cette après midi là. Mercredi, c’est le cœur serré que l’on a regardé les camarades de Charlotte et de Sam s’employer à limiter les dégâts. Où sont donc passées les promesses de l’équipe de 2012 ? Où sont passées Andrea Marshall, Stacey Hargrave, Charlie Lewis, Caroline Penrose ,Helen Leach, Fiesha Greene et quelques
autres qui annonçaient un futur prometteur et des batailles serrées pour la détention du Trophée ? On espère des temps meilleurs pour Olivia Critchley, meilleure joueuse britannique de l’après midi sous son numéro 9, depuis longtemps étiquetée « poison » par nos soins, et des confrontations plus épiques pour nos filles. Avant de ranger définitivement ses crampons, comme notre Clémence, c’est tout ce que l’on souhaite pour Charlotte Fredrickson, « historique » « capitaine Courage » des Britanniques, brillante troisième ligne qui n’a pas hésité mercredi à jouer au poste de pilier gauche pour permettre à son équipe de pousser les mêlées. Chapeau madame !
Comment, enfin, ne pas avoir le cœur gros en voyant Dorine Silvestri, notre pilier droit, quitter le champ sur une
civière après seulement quelques minutes ? Dorine est désormais la « mamma » du groupe et elle possède l’expérience et les qualités pour être la nouvelle capitaine de nos petites. Nous espérons que le diagnostic final sera moins sévère que l’on pouvait le craindre « à chaud » et que nous retrouverons Dorine au mois de juin pour accueillir la British Army en Normandie. Il s’agira alors d’un tout autre défi et, cette fois, ce sont nos marinettes qui devront se surpasser pour défendre leur ligne d’en but. Il reste quelques semaines pour y penser et pour s’y préparer. Le pas léger et le cœur lourd, on avait commencé à le faire, s’en allant vers Mayol assister à la rencontre de nos garçons.