UNE MELEE « DOWN UNDER »

 

Si « la culture est ce qui reste quand on a tout oublié », la mêlée est ce qui reste lorsque les éléments se sont ligués pour empêcher de jouer. Gare, dans cette hypothèse, à ceux (ou désormais à celles) qui ne peuvent soutenir l’épreuve de la mêlée. Les fautes engendrées par la météo et par le terrain s’accumulant

rapidement, les mêlées s’enchaînent elles aussi et leur nombre est, au final, directement proportionnel aux points encaissés par les couleurs d’une mêlée sur le reculoir.
L’histoire de ce match pourrait donc n’être que celui bien connu, encore que la météo de ce siècle et les cerbères municipaux repassent moins les plats, d’une mêlée « en carton » naufragée dans un marécage. Mais il ne fut pas que cela. D’abord parce que la Nature se chargea de rappeler ce qu’était souvent une journée d’hiver sur un stade aux siècles précédents, y compris pour les deux ou trois centaines de spectateurs (bravo à eux!) noyés dans une tribune ouverte à la pluie et au vent. Ensuite parce que le discernement et la compréhension des responsables de l’US Seynoise et de la municipalité autorisèrent l’utilisation d’un terrain qui eut été promptement consigné si le long voyage de nos amis australiens n’avait pas été aussi intelligemment qu’amicalement pris en compte pour faire une exception remarquable (merci à l’US Seynoise et à la mairie de La Seyne). Enfin, parce que, contrairement à toute attente, les deux équipes nous ont offert un excellent spectacle et il faut immédiatement saluer leurs mérites respectifs et dire son respect pour le courage et la technique de l’ensemble des acteurs, frigorifiés mais joueurs jusqu’au bout.

Le décor est donc planté : neige, vent, froid, pluie et boue. La première mêlée survient dès la deuxième minute. Ce sera bien « down under » pour nos invités : leur mêlée recule de trente mètres avant l’inévitable pénalité. Tout le monde comprend qu’il n’y aura pas de match et que l’addition finale dépendra seulement de l’adresse de nos garçons et de leur faculté à s’adapter aux conditions et au bourbier qu’ils ont sous leurs pieds.
Et justement, on est tout de suite très agréablement surpris : peu de fautes de main, beaucoup de ballons conquis et exploités très proprement et énormément de passes en dépit de conditions vraiment exécrables. Cependant, ainsi que rappelé plus haut, le jeu de rugby repose sur de solides réalités. De même que le mauvais temps favorise les mêlées, il favorise la défense sur le jeu au large. Et si les Australiens n’ont pas de mêlée, ils ont du courage et leur défense agressive
– et même parfois un peu plus – leur permet d’entrevoir le premier quart de la mi temps toujours à hauteur du RCMN sans pourtant avoir pu jouer le moindre ballon, privé qu’ils en sont par les pourvoyeurs français. Il est donc temps de revenir à la base pour enfin prendre le score : la mêlée.

Voilà donc une pénalité à trente mètres de la ligne « australe » que notre capitaine échange pour une mêlée. Qui avance, qui avance, qui avance … et sans attendre la pénalité promise, notre numéro 8 Thomas Hoareau fait son affaire du ballon à cinq mètres de la ligne et va inaugurer le score. 10 minutes et 7 à 0 .

Curieusement, le score va enfler par période exacte de dix minutes jusqu’à la mi-temps. 14-0 pour marquer la vingtième minute, 19-3 pour passer le cap de la demi-heure et 26-3 pour célébrer la mi-temps. Le deuxième essai sera une copie conforme du premier : après dix minutes de domination et d’occasions soit avortées par une défense surmenée mais toujours vaillante , soit manquées par la faute des conditions de jeu, on confiera à la mêlée le soin d’emmener derrière la ligne notre troisième ligne aile Frédéric Gendre. Pas cher payé pour nos hôtes car ces premières vingt minutes furent réellement de très belle qualité pour le RCMN . Qui tomba quelques instants dans la facilité, ce qui lui coûta un essai « tout fait » et, dans la foulée, une pénalité qui constituerait la seule récompense tangible de nos hôtes. Notre troisième essai permit à Jimmy
Peuchaud de bien apprécier le vent et le rebond pour transformer en essai une passe au pied de son ouvreur Flavio Iannuso. Et les Australiens allaient finir par encaisser l’essai de pénalité qui leur pendait au nez mais, contre toute attente, ce n’est pas leur mêlée qui subit cette punition mais un plaquage illégal sur notre numéro 9, Matthieu Bittard qui filait sur le drapeau de coin de leur en but.

On ne va pas vous conter par le menu une seconde mi-temps qui sembla longue à la fois pour les acteurs et pour les spectateurs. Le RCMN tint son rythme de marque jusqu’à la cinquantième minute, terme du cinquième essai inscrit par Flavio Iannuso. Puis la fatigue se fit sentir, la défense australienne ne faiblit pas et les approximations, logiquement, se firent plus nombreuses. Julien Magnani fit entrer tous ses remplaçants et la cohésion se fit, logiquement aussi, moins évidente.
Un dernier essai, conclu par nos lignes arrières et très joliment transformé en utilisant parfaitement la ligne du vent, mit au point final au score avec un 38 à 3 inscrit au tableau
d’affichage. Et comme il y a des jours dont on se souvient longtemps après, une panne malvenue offrit une douche … froide aux deux équipes.

Nos hôtes australiens auront du moins la certitude d’avoir préparé au mieux, sous l’aspect météorologique s’entend, leur séjour en Angleterre et nous leur souhaitons le succès dans leurs différentes confrontations avec les marines néo zélandaise, sud africaine et britannique. Moins de certitudes en ce qui concerne le RCMN, la faiblesse de l’opposition en mêlée relativisant forcément toute appréciation sur le niveau de notre équipe avant le « Crunch » du 4 avril prochain. Au vu de la qualité des vingt premières minutes, on peut toutefois être confiants. Mais il faudra concrétiser les occasions sans compter sur les pouvoirs salvateurs d’une mêlée qui devrait être confrontée à une toute autre épreuve. Et, souhaitons le, sous le soleil !