INELUCTABLE… JUSQU’A QUAND

Pour la cinquième fois consécutive, le fantôme de l’équipe de rugby de la Royal Navy a traversé le stade Mayol de Toulon sur la pointe des pieds. 2010, 2012, 2014, 2016 ,2018, chaque année a vu se répéter le même syndrome de transparence d’un groupe autrement disposé sur les pelouses d’Angleterre sans évoquer les rencontres homériques face à la Royal Air Force ou à la British Army. En cinq rendez vous toulonnais, cela représente pour les marins français cinq victoires et un faramineux bilan de 146 points marqués contre 33 encaissés. Ce 4 avril a donc été un « copié-collé » des éditions précédentes. Jugez en : coup d’envoi français, en avant britannique à la réception, mêlée, avancée de quinze mètres du pack français et pénalité pour nos marins qui vont aller en touche à cinq mètres de la ligne britannique et entamer à partir de la remise en jeu la séquence qui va conduire, dès la troisième minute, à l’essai de notre pilier gauche Nassim Aanikid. On a déjà vu, à la minute et au geste près, ce scénario il y a quatre ans. Inéluctable, le sortilège de Mayol ?

Ce qui est inéluctable, en tout cas, ce sont les conséquences de la supériorité française en mêlée qui a déjà rapporté huit points en dix minutes à nos couleurs Deux mêlées sont jouées et le résultat final de la rencontre ne fait déjà plus aucun doute sauf à se croire à Thomond Park. Et justement, d’étourderie en indiscipline, voilà la Royal Navy qui revient à 6-8 à la mi-temps de la mi-temps par la grâce de son buteur Humprey. Pas de risques, ici, d’être déstabilisés par les 10 000 spectateurs tous acquis à la cause de nos marins et le coup de théâtre accusé par le RCT le samedi précédent ne se produira pas.
Au contraire, nos joueurs remettent rapidement les fondamentaux sur l’ouvrage. Touche dans les 20 mètres britanniques, ballon porté parfaitement maîtrisé et Nassim Aanikid, est porté par son pack derrière la ligne d’essai pour sa seconde réalisation. Avec la transformation de Flavio Ianusso, notre ouvreur, le score enfle à 15-6 . La Royal Navy n’a pas eu le temps d’espérer. Ni de respirer jusqu’à la mi- temps. Les vagues françaises déferlent et les Britanniques défendent autant qu’ils le peuvent. Un peu trop vite, parfois. Et donc, hors jeu, qui provoque une pénalité transformée par Flavio Ianusso. Qui décide, au bout du temps de ce premier acte, de varier un peu et d’occuper au pied la zone de défense adverse. Le ballon semble perdu mais … erreur de jugement du dernier défenseur britannique qui n’a pas retenu que le ballon avait été contré par un de ses camarades et concède donc une mêlée à cinq mètres. La sanction, prévisible, vient en deux temps : carton jaune sur la première mêlée pour le pilier gauche britannique et essai de notre pilier droit Matthieu Loudet sur la seconde qui avance sans coup férir derrière la ligne d’essai. Matthieu trouve ainsi la récompense d’une très grosse performance, lui qui a, dès l’entame, mis à mal la mêlée britannique. Flavio Ianusso peut bien manquer la transformation, le score est maintenant de 23 points à 6 et on se doute que le vestiaire britannique va résonner de quelques propos bien sentis.
Le second acte commence effectivement sur un tout autre tempo imposé par les Britanniques. Autour des nôtres de défendre et ils le font plutôt bien. Sans pouvoir éviter cependant de concéder une pénalité transformée par Humprey pour ramener la marque à 9-23 . Retour illico presto dans le camp français après le renvoi et attaques grand champ des visiteurs soudain revigorés. Jusqu’à en oublier, sans doute, un autre des « fondamentaux » : lorsqu’on joue à quatorze, on évite de s’exposer au grand large et on fait le dos rond en attendant que passe le temps de la punition. A peine le temps de se le dire qu’une passe mal assurée manque son destinataire et le ballon est récupéré par notre ailier droit Roméo Ballu sur sa ligne des vingt deux mètres. Sprint le long de la touche, coup de pied à suivre pour lui même, ballon récupéré et voilà un quatrième essai sous les poteaux britanniques. En cette période pascale, les Britanniques ont inversé la marche du temps en passant de la Résurrection à la Crucifixion. Avec la
transformation, cela fait en effet un score de 30 points à 9 et il reste encore plus d’une demi-heure à jouer.

Sans doute a t ‘elle paru longue aux joueurs de la Royal Navy, encore que ce fut, et de loin, leur meilleurs instants des quatre cent minutes passées, depuis huit ans, sur le pré toulonnais. A coup sûr, elle n’ a pas passionné le spectateur averti même si les profanes y ont trouvé leur compte d’amusements, de découvertes et de frivolités. Chacun sait que lorsque les « Ola » s’abattent en nombre sur les gradins, c’est que la galerie s’ennuie un tantinet. Et ce fut bien le cas entre la cinquantième et la soixante dixième minute. Attaques stéréotypées de notre côté, sans trop d’idée directrice ni de variation dans la conduite du jeu. Défense acharnée du côté des Britanniques revenant au point de départ après chaque mêlée qui, en dépit du changement complet de première ligne de notre côté, continuait de leur poser un problème insoluble à chaque rassemblement. On y ajoute de multiples fautes de mains et de concentration de notre ligne arrière, une propension à se laisser tomber dès le premier contact avec le défenseur et on n’est pas franchement étonné qu’une touche dans nos vingt mètres engendre un excellent ballon porté britannique pour un essai de leur deuxième ligne Ed Pascoe à l’heure de jeu (14-30). Juste récompense d’une opiniâtreté certaine en défense, passé le premier quart d’heure. Et logique conclusion d’une panne de lumière de notre groupe qu’on a déjà observée au mois de novembre contre
l’Armée de Terre, sans revenir sur la désillusion face aux Gendarmes un mois plus tard. Bref, le sentiment que ce groupe peut faire beaucoup mieux que ce qu’il réalise sur l’ensemble d’un match perdure chez l’observateur. Mais reste toujours à démontrer.
Ce qui ne sera pas fait avant le coup de sifflet final, puisque, de guerre lasse, notre capitaine décide de tenter une pénalité à sept minutes de la fin plutôt que d’aller chercher un cinquième essai qui se refusait depuis déjà bien, et peut être trop, longtemps. Pénalité réussie par Flavio Ianusso qui mettait ainsi un point final au score du jour : 33-14. Les cinq dernières minutes appartiendront à nos hôtes. Qui montrent enfin, ce que l’on sait depuis toujours : ils savent fort bien jouer au rugby. Les nôtres s’y rachèteront des errements précédents en défendant avec toute la vigueur souhaitable afin de ne pas laisser le dernier mot à l’adversaire et ils y parvinrent parfaitement. Un très bon point pour finir ! Un grand bravo à Jimmy Peuchaud notre capitaine qui enrichit ainsi sa collection de challenges remportés comme capitaine. Et un bravo tout aussi enthousiaste à nos deux piliers Matthieu Loudet et Nassim Aanikid désignés « homme du match » ex aequo pour leur remarquable performance en mêlée tandis que Gareth Rees, le demi de mêlée britannique, était distingué comme le meilleur des siens.
Voilà donc la huitième victoire du RCMN qui mène désormais la série « Babcock » par 8 à 6 . C’est aussi la cinquième victoire consécutive depuis 2014. On peut y voir une anomalie que ne peuvent expliquer ni le « sortilège » de Mayol ni l’hypothèse d’une amélioration constante des performances de notre équipe dont on a pu constater cette après midi qu’elle n’avait pas donné – tenue en mêlée mise à part – sa représentation la plus aboutie à Toulon, assez loin de là. La chasse au fantôme est donc ouverte et nous serions bien inspirés de prendre garde à ce qu’elle ne soit pas, dès l’année prochaine, couronnée de succès. Et qu’ainsi « Inéluctable ne soit plus français ».
Pour la première fois, cette rencontre a permis d’associer à notre événement les blessés au combat, britanniques ou français, sous l’égide des associations « Solidarité Défense » et « Help for Heroes » . On espère qu’ils auront trouvé dans ce partage le réconfort qu’ils méritent tellement et le courage pour continuer à affronter avec détermination et optimisme une existence tellement plus difficile que la nôtre.
Merci à eux, merci aux spectateurs qui sont venus nombreux (environ 10 000) et merci à tous ceux qu ont contribué à une organisation plus compliquée et plus difficile qu’à l’accoutumée dont l’objectif valait bien tous ces efforts.